30 Octobre 1998 : L’hebdo (la vie ouvriere – CGT)

30 Octobre 1998 : L’hebdo (la vie ouvriere – CGT)
Le harcèlement moral

On peut détruire quelqu’un à coup de sous?entendus et de malveillances quotidiennes. A l’ouvre dans l’entreprise, ces violences perverses et insidieuses sont analysées par Marie-France Hirigoyen, psychiatre, psychanalyste.
Dans les pays nordiques, on appelle cela le  » mobbing  » ou psychoterreur sur le lieu du travail. Marie-France Hirigoyen le décrit comme « des procédés indirects de destruction insidieuse d’une personne visant à porter atteinte à sa dignité, de façon répétée, constante et sur une longue période. C’est complètement différent des accrochages, d’un abus de pouvoir ou d’un conflit où les choses sont nommées. Là, la victime ne sait pas ce qu’on lui reproche ».
Du harcèlement horizontal au harcèlement vertical M. F. Hirigoyen repère deux formes de harcèlement moral « le harcèlement horizontal, entre collègues, et le harcèlement vertical, de la hiérarchie vers un subordonné, plus rarement l’inverse ». Le point de départ du harcèlement émane souvent « d’un individu pervers narcissique pour qui 1 autre ne compte pas en tant que personne. Il va entraîner dans son sillage tous les individus qui ne sont pas vraiment déterminés ». Le harcèlement vertical procède « au vu des différents témoignages, d’une plus grande utilisation de procédés de management très durs, sans état d’âme. Il y a une perte du respect de l’individu. On considère l’entreprise comme une machine. En montrant l’exemple de ce non?respect, on va amener les autres salariés à ne plus respecter l’autre ». Or, le harcèlement a un coût humain et financier pour l’entreprise. Le laisser perdurer est « absolument contre-productif ».

De l’humiliation quotidienne

Petites phrases assassines, sous-entendus, ragots, pressions permanentes, isolement, disqualification… la palette du harceleur « totalement dépourvu de compassion et imperméable à toute notion de culpabilité », est infinie. Son bût : « Amener l’autre à se dévaloriser, le transformer en pion à disposition. Les paroles sont souvent anodines, mais répétitives. Les autres salariés se détournent de la victime, de peur d’être à leur tour l’objet des attentions du harceleur. » , Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce ne sont pas les « tire-au-flanc » qui vont faire l’objet de brimades et d’agressions répétées. « Au contraire », insiste M. F. Hirigoyen, « les personnes visées ne sont pas faibles, mais très investies dans leur travail et veulent donner une bonne image d’elles?mêmes. C’est aussi pour cela qu’on peut les accrocher car à chaque remarque, elles se remettent en question ».
« Si le harcèlement se poursuit, ce sont d’abord des troubles psychosomatiques qui apparaissent. Puis la personne se déprime, n’est plus en état de faire son travail, perd de sa confiance en soi. Si le harcèlement dure trop longtemps, les victimes sont persuadées qu’elles ne valent plus rien. Ce qui peut les conduire au suicide. D’où la nécessité d’une psychothérapie pour les aider à se reconstruire.

Conseils pratiques pour les victimes

Si l’hostilité s’installe sur une longue période, « si l’on sent son intégrité physique ou morale menacée, on peut penser qu’il s’agit de harcèlement moral ». La victime devra donc accumuler des traces, noter les injures. Parler et s’assurer le concours de témoins « dans la mesure des possibilités », trouver de l’aide dans l’entreprise : « s’adresser rapidement au syndicat s’il existe, interpeller sa hiérarchie, en parler au médecin du travail ». Résister psychologiquement est fondamental: éviter de tomber dans les provocations, se faire préciser les ordres donnés, se soigner si nécessaire sans tarder. Faire intervenir la justice est également possible « tout en mesurant bien due le harcèlement moral n’est pas nommé dans la loi à la différence de la Suède, l’Allemagne, les USA ou l’Italie. Seul le harcèlement sexuel, prolongement du harcèlement moral, est depuis peu pénalement réprimé ». Il existe cependant un devoir de protection du salarié par l’employeur sur le lieu de travail. L’inspecteur du travail peut être saisi, le CHSCT aussi.